le 23 mars 2004
Hazard L. Malaval-Cassan S. Lauga B.
Conserver la diversité végétale spécifique et fonctionnelle des prairies est un objectif qui nécessite de raisonner la gestion conservatoire du point de vue de l'évolution et de l'adaptation des espèces. En effet, l'apparente stabilité de ces écosystèmes et la survie des espèces repose sur une évolution rapide du patrimoine génétique inter- et intra-spécifique des espèces prairiales. La typologie de la diversité végétale basée sur la notion d'espèces contribue à entretenir l'illusion d'une diversité discrète et stable alors qu'elle est continue et dynamique. Une gestion durable de la biodiversité doit s'appuyer sur la conservation du potentiel adaptatif des espèces et des écosystèmes. Ce potentiel adaptatif dépend de l'importance de la diversité adaptative. Celle-ci augmente sous l'effet des mutations et est façonnée sans cesse par l'histoire démographique et la sélection naturelle. Les niveaux et les motifs de la diversité génétique sont donc le résultat d'une interaction entre trop d'échanges qui homogénéisent les populations entre elles et trop peu d'échanges qui les isolent et hypothèquent leur potentiel adaptatif. L'enjeu de la gestion de la biodiversité peut être représenté par un domaine de « viabilité » dans lequel il faut maintenir les mécanismes évolutifs pour assurer leur intégrité. Deux limites encadrent ce domaine et correspondent à trop ou trop peu de brassage génétique, limites au-delà desquelles le potentiel adaptatif des espèces est en danger. L'examen des mécanismes évolutifs nous permet de définir des préconisations de gestion pour rester dans le domaine de viabilité : il s'agit de mettre en œuvre le principe de précaution en raisonnant toute introduction de matériel végétal nouveau dans les prairies, et toute rupture ou au contraire facilitation dans les échanges de gènes. Nous mettons en œuvre ce principe dans la restauration de pelouses dégradées en altitude dans les Pyrénées. Ce projet nous conduit à envisager la création d'une filière de semences pyrénéennes pour la revégétalisation de ces pelouses. A l'intérieur du domaine de viabilité, en revanche, nous ne savons pas piloter la diversité génétique, ce qui nécessite de poursuivre des recherches. Le projet GECO « vers une gestion écosystémique des ressources biologiques végétales appliquée aux prairies naturelles » affiche pour objectif de faire un lien entre les pratiques d'élevage et d'aménagement du territoire, la dynamique de la diversité génétique et son impact sur les fonctionnalités de l'écosystème.