le 23 mars 2004
Leconte D. Simon J.C. STILMANT D.
La prairie normande a connu une progression spectaculaire du 17e siècle à la fin des années 1960 où elle a atteint 80% de la SAU. Aujourd'hui, elle occupe encore la moitié de cette dernière et la Surface Toujours en Herbe (STH ) représente 92% des surfaces en herbe.
En rassemblant une grande partie des relevés phytosociologiques et agronomiques effectués au siècle dernier en Basse-Normandie, une base de données de près de 2 500 relevés floristiques a été constituée. Les prairies permanentes de cette région présentent une forte diversité floristique avec 612 espèces prairiales relevées dont 61 espèces de graminées, 45 de légumineuses et 506 de plantes diverses. Sur les 45 communautés végétales recensées dans la région, 9 occupent une place dominante (55% des relevés phytosociologiques et 86% des relevés agronomiques). L'association Lolio-cynosuretum (ray-grass anglais – crételle) représente à elle seule les trois quarts des relevés agronomiques. Cette diversité botanique présente des atouts indéniables : complémentarité entre espèces, bonne productivité et production bien répartie sur l'année, bonne stabilité de la valeur nutritive et minérale, etc. Cependant, cette biodiversité est parfois difficile à gérer : variabilité de composition floristique saisonnière et inter-annuelle, difficultés de maîtrise des plantes indésirables, envahissantes ou toxiques, dégradation éventuelle de la digestibilité, propriétés allélopathiques de certaines espèces...
Cette biodiversité floristique mérite d'être mieux prise en compte, en particulier en raison de son impact possible sur les caractéristiques des produits animaux dérivés. Aussi, une étude est-elle actuellement développée en Basse-Normandie avec pour objectif de mettre en évidence les liens éventuels entre les caractéristiques floristiques des prairies normandes et la qualité des produits laitiers dérivés. Elle devrait permettre de préciser les éventuelles relations entre la végétation prairiale rencontrée dans cette région et la typicité des produits laitiers locaux (laits, beurres, crèmes et fromages). Diverses études conduites depuis une dizaine d'années sur des prairies très diversifiées de montagne ou de moyenne montagne ont en effet montré que certains composés biochimiques présents dans les plantes pâturées (tels les terpènes) se retrouvent dans le lait puis dans le fromage en modifiant leurs caractéristiques sensorielles. Les prairies de plaine, telles celles rencontrées en Basse-Normandie, présentent une diversité floristique moindre que celles de montagnes. Cette diversité est-elle suffisante pour engendrer des caractéristiques originales des produits laitiers dérivés ? Les travaux actuellement en cours devraient vraisemblablement permettre de répondre à cette question.