le 19 octobre 2006
Lemaire G.
La simplification extrême des systèmes de culture constatée dans de nombreuses régions agricoles depuis plusieurs décennies associée à l'intensification de la production est concomitante (i) de l'érosion importante de la biodiversité tant végétale qu'animale, (ii) de la dégradation accélérée de la qualité des eaux et (iii) de la dégradation dans certains cas de la qualité des sols. Dans bon nombre de régions traditionnelles de polyculture-élevage, caractérisées encore jusqu'à récemment par des assolements assez diversifiés, la spécialisation de plus en plus poussée des exploitations du fait de la disparition plus ou moins prononcée de l'élevage entraîne une assez grande uniformisation des modes d'occupation des terres à l'échelle des paysages. Les milieux pérennes, tels que les prairies ou les cultures fourragères pluriannuelles (la luzerne, par exemple) peuvent jouer un rôle important à l'échelle d'un territoire, à la fois comme élément plus ou moins fixe et peu perturbé du paysage vis-à-vis des populations et communautés végétales et animales, et comme élément régulateur des cycles biogéochimiques (C, N, H2O, P…) et donc des flux d'éléments pouvant avoir un impact environnemental. De plus, à l'échelle spatiale, l'introduction de surfaces à végétation pérenne peut jouer un rôle important à l'échelle du paysage : création de zones « refuges » pour certaines espèces jouant un effet « île » dans la dynamique de population, lutte contre l'érosion, préservation de la qualité des eaux superficielles. Ainsi, non seulement l'importance en surface des prairies et cultures fourragères pérennes doit être considérée mais aussi leur mode d'insertion spatiale au sein d'un territoire.
Dans certaines régions, le maintien de ces surfaces pérennes ne pourra être réalisé qu'au travers d'une politique volontariste de maintien d'activités d'élevage au sein des différents territoires. La disparition ou non de l'élevage des exploitations de polyculture-élevage n'obéit pas toujours à une pure logique économique, mais est souvent dictée par des considérations plus personnelles des exploitants qu'il serait grave de ne pas prendre en considération : temps et pénibilité du travail, mode de vie. On peut penser que la spécialisation des exploitations agricoles va aller en s'accentuant : (i) céréaliculture sur de plus grandes surfaces pour certaines et (ii) élevage avec des troupeaux plus importants et moins de surfaces pour d'autres. Il s'agit alors de retrouver des modes d'interactions entre ces deux activités au niveau local à travers la coopération d'exploitations elles-même spécialisées. Ainsi, certaines productions fourragères pourraient être externalisées des exploitations d'élevage vers des exploitations céréalières permettant ainsi une diversification de leurs assolements avec tous les avantages agronomiques et environnementaux qui peuvent en découler. Ces interactions peuvent prendre différentes formes, depuis la pratique des assolements en commun jusqu'à des commercialisations de fourrages conservés. L'association entre activité d'élevage d'herbivores utilisant le maximum de ressources fourragères produites localement et la production céréalière reste la base d'un développement territorial durable. Ceci implique la mise en place de nouveaux modes d'organisation entre exploitations au niveau local.
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