Brins d'herbe

Ce qui détermine la valeur de l’herbe, et comment interpréter une analyse de fourrage

La qualité de l'herbe est un facteur déterminant pour la performance de vos animaux. Cet article vous explique tout ce que vous devez savoir sur la digestibilité des fourrages, les différents types de glucides et l'impact de la lignine. Découvrez comment interpréter les résultats d'une analyse de fourrage et comment optimiser la qualité de vos prairies pour une production laitière plus efficace.

Bruno Osson

Bruno Osson

Semae

Expert fourragères

Salon de l'herbe nouvoitou 13

Comme chaque année, c’est avec impatience que les éleveurs et leurs animaux attendent les beaux jours et surtout la bonne herbe. Or, que l’on soit en prairie naturelle ou temporaire, les règles de la digestibilité sont les mêmes. Il est essentiel de se les rappeler afin d’optimiser les ressources de la prairie en quantité, qualité et aptitude à l’usage. Bien connaitre la digestion et l’évolution des végétaux aide à bien gérer les à-coups de la pousse de l’herbe. C’est également le cas en ce qui concerne la gestion des stocks d’herbe sur pied, destinés à être pâturés.

L’on pourrait penser que les ruminants sont tout à fait capables de valoriser des plantes ligneuses, de la paille, des ronces, voire des branches d’arbres. Mais cela est faux en grande partie, car une telle consommation amène seulement sensation de satiété pour l’animal.

 

Deux types de glucides dans le fourrage

Dans les cellules végétales, qui constituent le fourrage, l’on distingue deux types de glucides : les glucides cytoplasmiques et les glucides pariétaux.

Les glucides cytoplasmiques (qui se situent à l’intérieur de la cellule) sont très digestibles. Ce sont des sucres solubles, de l’amidon. Ils sont accompagnés de lipides, sources d’oméga3 et d’acides gras insaturés, et de matières azotées. On y trouve également des minéraux.

Les glucides pariétaux constituent la paroi de la cellule. Cette dernière est formée d’hémicellulose (paroi primaire), de pectine (lamelle moyenne), de cellulose (paroi secondaire) et de lignine. C’est la lignine qui donne la rigidité à la plante. Elle est surtout présente dans les cellules qui constituent les tiges.

La lignine n’est pas digestible et se retrouve à 100% dans les fèces ! Elle n’est ni dégradée dans le rumen, ni digérée dans l’intestin. D’autre part la lignine, qui apparait avec le vieillissement de la plante, s’incruste autour des autres glucides pariétaux et chaque point de lignine en plus fait baisser la digestibilité de 3,8 points !

Les glucides pariétaux sont, 5 à 10 fois plus méthanogènes que les cytoplasmiques, Le maintien d’une vache et de sa suite dans la campagne entraine le maintien de surface en herbe qui séquestre 3 fois plus de carbone que le carbone émis et donc un bilan environnemental très favorable. Il est donc indispensable que l’herbe soit de qualité, tant pour le portefeuille de l’éleveur que pour l’environnement.

En se développant, la lignine fait chuter la dmo (digestibilité de la matière organique) qui passe ainsi de 80% au stade épi 10cm à 60% au stade pleine épiaison, d’où l’importance de suivre non seulement la pousse de l’herbe, mais surtout son stade physiologique.

Dans le rumen, les bactéries cellulolytiques vont dégrader les glucides pariétaux, les bactéries amilolytiques les glucides cytoplasmiques. Les sucres solubles et les protides sont dégradés par les protozoaires. Les oses qui en découlent vont ensuite fermenter et ainsi libérer des AGV (acides gras volatiles), du méthane et du CO2. Il y a 3 types d’AGV : l’acide acétique (C2), l’acide butyrique (C3) et l’acide propionique (C4). Ces AGV sont absorbés à travers la paroi du rumen et se retrouvent dans le sang. C’est la principale source d’énergie du ruminant.

Le C2 provient des glucides pariétaux, le C3 de l’amidon et le C4 des sucres solubles. Seul le C3 est glucoformateur. Il est donc favorable à la production laitière et au taux protéique. Le C2 et le C4 contribuent à la synthèse de graisse corporelle et d’acides gras courts et moyens du lait.

Le glucose, est généré essentiellement au niveau du foie. Même si ce n’est pas la principale source d’énergie globale du ruminant, il intervient dans la fabrication du lactose. Il peut être stocké au niveau du foie sous forme de glycogène ou sous forme de graisse corporelle. 95% du glucose formé au niveau du foie provient de substances glucoformatrices : propionate, lactate, glycérol, acides aminés. La vache peut ainsi produire 2 à 2,5 kg de glucose par jour ! Il est donc important d’avoir un fourrage de qualité, riche en glucides cytoplasmiques.

 

Interprétation d’une analyse de fourrage

Lors d’une analyse de fourrage, l’échantillon est traité par une base, puis un acide. Un reliquat ; la cellulose brute, constitué de cellulose, d’hémicellulose, de lignine et de quelques matières azotées est alors obtenu. La cellulose brute n’est pas une substance mais le résultat d’une analyse. Il s’agit néanmoins d’un bon indicateur de la dmo.

Sur le bulletin d’analyse de fourrage, on peut trouver trois données : NDF, ADF et ADL. NDF (neutral detergent fiber), contient l’essentiel des parois.

ADF (Acid detergent fiber), estimation de la fraction lignocellulosique ADL (Acid detergent lignin), lignine pure, donc indésirable.

Après ces précisions sur la digestion, les principaux paramètres de la valeur de l’herbe sont :

  • L’espèce végétale, variation importante selon les espèces.
  • Le stade physiologique : calculé par rapport à l’épiaison. La valeur est influencée par la proportion de feuilles et de tiges, et d’organes vieillissants.
  • Le climat des derniers jours. Le soleil favorise la valeur.
  • L’heure de la journée : l’herbe est plus riche le soir, puis réutilise une partie de l’énergie pour son métabolisme, la nuit.
  • L’état sanitaire : les maladies s’implantent davantage sur les parties vieillissantes.
  • Comment est consommé le fourrage : sur pied ou conservé, sous quelle forme (enrubanné, ensilé ou fané).

Gérer des stocks d’herbe sur pied : Lorsque la pousse d’herbe a été forte, il faut gérer les excédents, donnant, le plus souvent, recourt à l’ensilage ou à la fauche. La récolte d’herbe est couteuse. Il est parfois frustrant de la redistribuer quelques semaines seulement après. Il est possible de la conserver sur pied pour la faire pâturer plus tard, mais la qualité doit rester l’obsession, à travers  5 règles :

  1. Avoir déprimé pour que la végétation présente une bonne densité,
  2. avoir étêté pour réduire la proportion d’épis et tiges,
  3. avoir une bonne proportion de légumineuses,
  4. envisager un pâturage au fil avant et arrière car la végétation sera haute,
  5. mettre en avant les critères remontaison et résistances aux maladies, s’il s’agit d’une prairie semée, dans le choix variétal.

L’herbe de qualité pâturée coûte 4 fois moins cher que le fourrage récolté, ce qui est très motivant !

En prairie naturelle comme en prairie semée, le stade de l’herbe est déterminant pour la valeur fourragère, mais aussi l’espèce végétale. En sélection de plantes fourragères, le critère digestibilité est fortement pris en compte, d’autant plus qu’il y a une corrélation étroite entre digestibilité et appétence. Un fourrage digestible est davantage consommé et permet de diminuer la quantité d’aliment concentré.   

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