L’essentiel pour réussir la rénovation des prairies
La rénovation d'une prairie est une opération essentielle pour maintenir la qualité et la productivité des pâturages. Cet article détaille les étapes clés à suivre pour réussir cette opération, de la préparation du sol au choix des semences.
Bruno Osson
Semae
Expert fourragères
Semer une prairie est une démarche intéressante, sous de multiples aspects, c’est l’occasion d’éliminer des plantes indésirables car peu productives ou pas consommées, et d’introduire des plantes sélectionnées sur leur productivité, leur digestibilité, leur comportement et leur aptitude pour un usage envisagé.
Est-il nécessaire de rappeler que la rénovation d’une prairie doit s’accompagner d’une démarche globale qui comporte cinq points à aborder : rechercher et éliminer la ou les causes de dégradation, raisonner la fertilité et le pH, repenser le mode d’exploitation et l’entretien, introduire de nouvelles plantes et raisonner l’aménagement parcellaire.
Ressemer des semences fourragères demande néanmoins des soins particuliers, car les graines sont petites contiennent peu de réserve d’énergie glucidique et ne bénéficient d’aucune protection phytosanitaire. Les parcelles de prairies représentent souvent des milieux agronomiques plus difficiles au niveau des sols et compte tenu de la présence de bioagresseurs et adventices.
Quatre conditions sont essentielles à la réussite de l’implantation : la température, l’humidité, un bon contact entre la graine et la terre ainsi qu’un accès facilité à la lumière pour les jeunes plantules. La date de semis et la densité sont des aspects également non négligeables.
Etablir un état des lieux de la situation initiale
Différentes situations peuvent se présenter. La surface peut être dénudée en grande partie, à la suite d’ une inondation exceptionnelle, des dégâts de sangliers, de taupes, etc…. La végétation est parfois importante mais peu intéressante face à des objectifs de l’élevage. Il faut également identifier les plantes présentes. En prairie permanente, il y a beaucoup de plantes à rhizomes, à stolons, à bulbes qui sont, dans la plupart des cas indésirables. Ce sont souvent les plus difficiles à détruire. En surface, il peut y avoir une accumulation de matière organique morte qui représente un obstacle aux échanges entre l’air du sol et l’air atmosphérique. Ce qui est particulièrement pénalisant pour l’activité biologique du sol et gênant pour le semis de la praire. La présence de ce mulch entraine du feutrage (système racinaire hors du sol). Ce dernier est néfaste car il rend la plante plus sensible au surpâturage ou à la sécheresse. Il convient également d’observer la surface : y a-t-il des irrégularités, dues à un piétinement en mauvaises conditions, des taupinières, des ornières ? Il est important de connaitre la nature du sol ; est-il profond ou superficiel, y a-t-il la présence de cailloux ou de sol différents à faible profondeur ?
Le choix d’un itinéraire cultural
L’objectif est avant tout de détruire l’ancienne flore et de préparer le lit de semences, en l’occurrence, une terre fine en surface, aplanie et tassée en profondeur, tout en luttant contre la concurrence d’une levée d’adventices provoquée par le travail du sol.
Le labour
Le labour peut être interdit ou soumis à une réglementation. Il est à réserver aux sols profonds et quand la surface a été déstructurée par des ornières ou du piétinement. Le labour nécessite au préalable un passage de rotavator pour casser, mélanger le mulch, le feutrage et la terre, avant de l’enfouir. Puis, il est nécessaire d’ameublir et d’aplanir. Le labour présente néanmoins de multiples inconvénients : il est coûteux en temps et énergie. Agronomiquement, le labour dilue la fertilité en profondeur alors que les plantes prairiales exploitent surtout les 10 premiers centimètres. Une semelle de labour est créée. En labourant, l’on risque de relever des éléments indésirables, tels que des cailloux ou des graines d’adventices. En ayant labouré, l’on diminue la portance du sol, ce qui peut être très perturbant en cas d’humidité ou bien lorsque les animaux sont remis à pâturer.
Comment semer sans labour ?
La problématique de la destruction du couvert demeure lorsque l’on sème sans labour. Ce dernier peut être pratiqué chimiquement, avec un désherbant systémique total (en se référant à la réglementation). Le but est de cibler les plantes à stolons, bulbes et rhizomes sur une végétation active, soit au printemps, après une première exploitation, ou mieux encore à l’automne. L’avantage de l’automne est que durant l’hiver, les vers de terre vont se régaler tout en faisant disparaitre le mulch et le feutrage. Ces derniers vont réaliser un fabuleux travail du sol, avec lequel aucun outil agraire n’est capable de rivaliser, en creusant des galeries verticales, horizontales qui vont drainer et aérer le sol tout en permettant à la future végétation d’installer les racines davantage en profondeur et donc de mieux résister à l’arrachement, à la sécheresse. Au printemps, la surface est nue et grumeleuse. Il suffit alors de semer car tous les types de semoirs conviennent, puis de rouler. Le temps de travail et le coût sont alors minimes. Si la destruction est réalisée au printemps, le tapis végétal constitué par le mulch et le feutrage est gênant. Il suffit d’utiliser un semoir à semis direct, à disques, dents ou sabots ouvreurs.
Si l’on préfère ne pas avoir recours à la chimie, il faut scalper la prairie, deux ou trois centimètres sous le plateau de tallage et répéter cela deux ou trois fois, tous les10 jours, afin de réaliser des faux semis afin de provoquer la levée d’adventices, puis de les détruire au passage suivant par un outil du sol afin d’ouvrir et d’ameublir sur 5 à 8 cm. Le temps de travail ainsi que le coût de l’énergie sont également importants. Le risque d’adventices est alors réduit tout en gardant la portance du sol.
Semis de printemps ou de fin d’été ?
En semant au printemps, l’on soustrait la parcelle du cycle d’exploitation à une période où l’on dispose de suffisamment d’herbe sur les autres. Puis, la parcelle rentre en exploitation au début de l’été lorsque la production diminue sur les autres. La parcelle rénovée est alors constituée essentiellement de feuilles tendres et vigoureuses, sans tiges puisque presque toutes les graminées sont non alternatives.
En semant en fin d’été, l’on soustrait la parcelle du cycle d’exploitation à une période où la prairie est naturellement moins productive. L’essentiel de la production d’herbe annuelle est alors constitué avant l’été.
Y a-t-il des dates butoirs ? Attention aux gelées printanières ! Mais la germination et la levée exigent de la chaleur, il convient donc d’attendre les premiers jours d’avril, avant le risque estival de sécheresse ou de canicules. Les jeunes plantes sont fragiles jusqu’à ce que les talles ne soient constituées.
Une autre période à privilégier est la fin de l’été, dès la mi-août, et jusqu’à une date qui permet ensuite aux jeunes plantes d’être assez développées pour passer l’hiver.
Deux paramètres sont donc à prendre en compte : la zone géographique et la vitesse d’installation de l’espèce.
Certaines fourragères s’implantent très vite comme les ray-grass italiens, hybrides et anglais. D’autres, plus lentement comme la fléole, la fétuque élevée, le dactyle. Pour ces espèces, il est possible d’envisager un semis sous couvert. Le principe consiste à semer simultanément la prairie avec une céréale comme l’orge ou l’avoine ou même un ray-grass italien qui servira de protection aux jeunes plantules.
Semer sur une terre ameublie et aplanie
Il est conseillé de semer 1000 graines au m²à 1 cm de profondeur. Pour bien gérer la profondeur, rouler avant de semer, puis après ou pendant le semis pour maximiser le contact entre la terre et la graine. Ensuite, il convient d’observer la levée et si les adventices sont nombreuses, un broyage les éliminera et fera taller davantage les jeunes graminées.
Ressemer la prairie représente une démarche intéressante qui permet d’augmenter sensiblement la qualité, la productivité, la convenance à l’usage, d’adapter la saisonnalité de la pousse et de choisir des plantes qui s’accommoderont aux contrastes climatiques. Il est nécessaire de soigner l’implantation et pertinent de ressemer chaque année une partie de son parcellaire tout en organisant un roulement de rénovation. Des essais chiffrés réalisés en collaboration avec le lycée agricole de Thiérache sont explicites !
Cet article a été rédigé par