Brins d'herbe

Le binôme moutons-cultures dérobées : l’agronomie en action

L'élevage ovin conserve un rôle essentiel dans les systèmes agricoles durables, notamment pour maintenir la fertilité des sols et contrôler les adventices. Les plantes fourragères d'intercultures, associées au pâturage ovin, offrent une alternative intéressante aux engrais chimiques et aux herbicides.

Bruno Osson

Bruno Osson

Semae

Expert fourragères

Pâturage couvert ovin

Depuis que l’Homme s’est mis à cultiver, il y a 10 000 ans, le mouton a joué une fonction agronomique essentielle. On peut même se demander si cultiver aurait été possible sans ce précieux auxiliaire.

La domestication du mouton coïncide avec le commencement de l’agriculture. Ceci explique-t-il cela ?

Si l’on apprenait jadis à l’école qu’au temps des Gaulois, la France était couverte de forêts, il n’en est rien. Les bois et forêts occupaient à peu près les mêmes endroits qu’aujourd’hui. Les autres espaces étaient des espaces ouverts, herbeux, entretenus par la grande faune herbivore. Ces surfaces étaient préférées par ces animaux car naturellement assainies favorisant les meilleures plantes, alors que les surfaces boisées étaient cantonnées dans les zones plus défavorables, humides, sableuses ou autres.  

Les hommes ont commencé à cultiver dans les espaces ouverts les plus favorables, les moins favorables étant maintenus en prairie et consacrés à l’élevage.

La nuance de fertilité selon les régions, les textures, la nature du sous- sol et l’eau ont donc vu se dessiner une mosaïque agronomique. Dans les zones herbagères, plus humides, ce sont surtout les bovins qui étaient élevés. Dans les zones plus favorables à la culture, l’élevage du mouton dominait. Dans les zones peu cultivables à la ressource fourragère très saisonnée, c’est aussi le mouton qui dominait avec la nécessité de transhumer. Les races se sont forgées, entre races rustiques et races de zones plus favorables.

Le mouton avait une fonction agronomique primordiale, attendue avant même la production de viande et de laine. Déprimer les céréales pour favoriser le tallage, consommer les adventices, les débris végétaux, les grains perdus. Le piétinement du mouton était aussi un atout pour écraser les mottes, plomber un semis. Certains constructeurs de machines agricoles n’ont-ils pas reproduit des rouleaux imitant les onglons des moutons ?

Sur les grands plateaux céréaliers d’aujourd’hui, dans chaque village il y avait des bergers qui ne possédaient pas de foncier mais offraient leur prestation de service chez les cultivateurs. Puis dès les années 60, le développement de la chimie engrais et désherbant ainsi que l’exode rural ont fait régresser, voire disparaitre ce type d’élevage.

Dans ces zones, lentement, les taux de matières organiques ont diminué. Les sols nus l’hiver ont entrainé une dégradation des sols par érosion, de l’eau par la fuite des nitrates. Heureusement les pratiques de semis de plantes d’intercultures, de plantes de service ou de cultures dérobées qui se sont généralisées pallient ces dégradations. Un sol qui n’héberge pas une plante active meurt rapidement.

Or, le bon impact agronomique amené par une plante d’interculture l’est par le système racinaire. A l’inverse, enfouir une matière verte vivante et abondante est préjudiciable à l’activité biologique du sol car Il existe une formation de gley, une asphyxie comme dans un sol hydromorphe. Il est donc nécessaire de détruire la plante avant l’enfouissement, ou encore mieux de remplacer les parties vertes par des crottes de moutons ! La fonction agronomique du mouton est donc une véritable réalité.

Les plantes de cultures dérobées fourragères sont nombreuses. Le choix doit donc se faire en fonction de la culture précédente et de la date à laquelle se libère la parcelle. Le mouton peut également être utile pour débarrasser les débris végétaux laissés en surface qui peuvent héberger et maintenir des bioagresseurs de cultures.

Le choix se fera également en fonction de la culture prévue à la suite, pour éviter les maladies ou parasites communs. Lorsque l’on introduit une plante dans une parcelle, il faut bien sûr penser au risque de dissémination incontrôlée ou à celui de repousses.  La qualité de la semence est alors importante : semence indemne de graines d’adventices, dont on s’est assuré de la faculté germinative. Certaines espèces sont gélives, d’autres sont détruites par leur exploitation.

Comme les années climatiques se suivent sans se ressembler, il est prudent de mélanger des plantes qui vont pousser s’il fait chaud et sec avec d’autres qui vont pousser s’il fait froid et humide. Le choix devra également être orienté en fonction de la période prévue de pâturage, dès la fin d’été, à l’automne, en hiver ou au printemps, ou encore à plusieurs de ces dates.

Il est fondamental de prendre connaissance de la biologie de chacune des espèces afin de les insérer au mieux dans le système agraire et du régime alimentaire des moutons.

  • Le sorgho : cette plante a besoin de chaleur et d’eau. Le semis doit être réalisé tôt. Le sorgho est gélif. Il y a des variétés monocoupes, destinées à être ensilées. L’usage est proche de celui du maïs ensilage, celui des multicoupes est proche des ray-grass italiens. Les repousses sont riches en acide cyanhydrique jusqu’à une hauteur de 60 cm et TOXIQUE MORTELLE : donc à proscrire en élevage ovin  
  • Le chou fourrager : peut être semé en direct ou repiqué. Très riche en énergie et protéines. Résiste très bien au gel et fleurit tardivement au printemps suivant. Pousse en conditions froides et humides.
  • La navette fourragère : très adaptée au pâturage des ovins, fleurit tardivement au printemps, appétent, bonnes valeurs alimentaires. Résiste très bien au gel, améliore la structure du sol, facile à implanter. Il existe des variétés anti-nématodes. Ne repousse pas après exploitation.
  • Le radis fourrager : très productif. Fleurit et produit des graines rapidement, gélif, pousse en conditions sèches. Ne repousse pas après exploitation, à semer assez tôt
  • Le colza fourrager : distinct du colza oléagineux ! très productif, riche en énergie et protéines, repousse peu après exploitation, à semer assez tôt.
  • Le navet fourrager : peut être semé un peu plus tardivement, pousse aussi par temps froid et humide. Appétent, le mouton déchausse les racines. Pas de repousses ensuite.
  • La moutarde d’Abyssinie : très bonnes valeurs alimentaires et appétence proche du chou, espèce gélive, non alternative.
  • Le ray-grass italien : bonnes valeurs alimentaires, attention au choix entre diploïdes et tétraploïdes, alternatifs et non alternatifs. S’assurer de maitriser le risque de repousses et/ou de dissémination. Peu gélif, gourmand en eau, donc attention au risque de pénaliser la culture suivante.
  • Le millet perlé : graminée de chaleur, adaptée aux conditions sèches. Très gélive, repousse après chaque exploitation, faibles valeurs alimentaires.
  • Le moha : graminée de chaleur et adaptée aux conditions sèches. Très gélive, ne repousse plus après exploitation, faibles valeurs alimentaires.
  • Le trèfle d’Alexandrie : adapté au pâturage car non météorisant. Gélif. Il existe des variétés monocoupes et multicoupes.
  • Le trèfle incarnat : adapté au pâturage car non météorisant. Produit surtout au printemps.
  • Le seigle : céréale non alternative, peut être pâturé l’hiver, produit beaucoup au printemps, valeurs alimentaires très variables en fonction du stade. Bonne structuration du sol.
  • Le seigle forestier : beaucoup plus productif que l’autre seigle, développe surtout le végétatif que la production grainière.
  • La vesce commune : il existe des variétés d’hiver et de printemps. Productif, appétant et de bonnes valeurs alimentaires.
  • L’avoine classique : il existe des variétés d’hiver et de printemps. Très sensible aux rouilles, ce qui altère l’appétence. Peut être pâturée l’hiver.  L’avoine est aussi efficace dans la maitrise des adventices.
  • L’avoine rude : espèce gélive, peu sensible aux maladies, productive
  • La vesce velue : à distinguer de la vesce commune ! Plante non gélive, de bonnes valeurs, assez invasive, mais surtout : suspicions de toxicité après la floraison (troubles digestifs et nerveux). Le plus simple est de s’abstenir ! 

Attention la moutarde blanche, qui n’est pas classée dérobée fourragère, est riche en glucosinolates.

Le sarrazin peut entrainer des problèmes de photosensibilisation.   


Face aux contrastes climatiques, il est conseillé de concevoir les mélanges d’espèces qui vont se trouver complémentaires et compatibles avec la rotation.

Le site www.semae.org est à la disposition de tous pour des informations complémentaires.

  

  

  

 

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