Prairie et zone humide
Les prairies humides : un écosystème précieux. Grâce à l'élevage, elles jouent un rôle crucial dans la qualité de l'eau, la séquestration du carbone et la biodiversité. Une gestion adaptée, notamment une exploitation régulière, optimise ces fonctions. Les graminées adaptées aux zones humides, comme la fétuque élevée ou la fléole, contribuent à maintenir un équilibre écologique fragile.
Bruno Osson
Semae
Expert fourragères
Maintenir l’élevage en zone humide est essentiel pour préserver la qualité de l’eau, la biodiversité, le stockage de carbone dans le sol, gérer le flux de l’azote et bien sûr assurer la production de lait et de viande, aliments indispensables au bon équilibre de la santé humaine.
C’est la prairie exploitée de façon intensive, que l’on soit en agriculture biologique comme en agriculture conventionnelle, qui est la plus apte à remplir ces multiples fonctions.
La migration de l’eau et sa qualité
La migration de l’eau peut être abordée sous deux aspects principaux : l’infiltration de l’eau de pluie dans le sol et le ruissellement en surface, lorsque le sol est saturé. En cas de pluviométrie importante, la prairie joue un rôle tampon dans l’écoulement de l’eau de surface. Les surfaces en herbe permettent aussi que l’eau qui migre en surface soit propre et non pas boueuse.
En ce qui concerne la qualité de l’eau, le premier critère à observer est sa teneur en nitrates. La libération de nitrates dans le sol est normale et naturelle. Elle est le produit de l’activité biologique du sol qui est conditionnée par des facteurs tels que les bons échanges entre l’air du sol et l’air atmosphérique, la teneur en matière organique, le pH et surtout la température. La libération de l’azote démarre au printemps, est maximum l’été et diminue à l’automne. Parallèlement à cette production d’azote, il faut que la végétation soit active et poussante afin de la consommer. Or, lorsque la flore est épiée, conséquence d’une fauche tardive, voire d’une sous exploitation de la prairie, les plantes cessent de consommer l’azote du sol qui devient alors potentiellement une source de pollution, même si aucun apport de fertilisant n’a été réalisé ! Une graminée épiée a rempli sa fonction d’être vivant qui est de se reproduire. Elle passe le reste de la saison en étant peu active. Les étés de sécheresse et de canicule, que nous venons de connaitre, et les automnes qui les ont suivis ont été très démonstratifs : les graminées ont été inactives durant l’été. L’activité biologique n’a pas cessé, boostée, notamment, par la chaleur. L’azote libéré a été très important, sans qu’il n’y ait eu de consommation par les plantes endormies, ni de lessivage, vu l’absence de pluie. Dès le retour de la pluie et de températures normales, mi-septembre, les plantes ont trouvé dans le sol une disponibilité en azote conséquente qui explique alors l’extraordinaire pousse de l’herbe automnale. Cette herbe est d’ailleurs d’excellente qualité puisque composée surtout de feuilles saines et riches en azote.
La biodiversité animale et végétale
La biodiversité animale et végétale est favorisée par une végétation maintenue basse et une exploitation fréquente. A l’inverse, lorsque l’on permet une végétation haute et vieillissante, quelques plantes vont dominer, faisant disparaitre les autres. C’est le cas par exemple de la houlque laineuse.
Le bilan carbone
Parler du bilan carbone ne peut se faire sans un rappel de chimie. Une mole de carbone pure pèse 12 grammes. Une mole de CO2 (dioxyde de carbone) pèse 44 grammes. Une mole de CH4 (méthane) pèse 16 grammes. Lorsqu’on évoque les émissions et les séquestrations de carbone il est évident qu’il faille utiliser les mêmes unités pour comparer et faire le bilan. Or l’émission de carbone par les bovins est souvent évoquée, et injustement à charge. Le CH4 est émis par la bouche des ruminants (et pas par le derrière comme on l’entend parfois). Ce CH4 est issu de la fermentation des glucides dans le rumen. La quantité de CH4 est variable en fonction de la qualité du fourrage. Les glucides consommés sont de 2 sources : d’une part les glucides cytoplasmiques, qui proviennent du contenu de la cellule végétale. Ils sont très riches et digestibles. Et les glucides pariétaux qui sont les parois des la cellule végétale. Il y a 4 glucides pariétaux : la cellulose, l’hémicellulose, la pectine et la lignine. La lignine apparait avec le vieillissement de la plante. La lignine n’est nullement dégradable dans le rumen, ni digérée dans l’intestin. De plus, elle incruste les autres glucides pariétaux et un point de lignine fait baisser la digestibilité de 3,8 points (source : tables alimentaires de l’INRAE).
En fonction du ratio glucides cytoplasmiques/glucides pariétaux, la flore du rumen va s’orienter vers des bactéries cellulolytiques (s’il y a davantage de glucides pariétaux) ou vers des bactéries amylolytiques (s’il y a davantage de glucides cytoplasmiques). Les bactéries cellulolytiques sont beaucoup plus méthanogènes que les amylolytiques. Une herbe de qualité limite donc l’émission de méthane. Si l’on compare maintenant le carbone émis par les ruminants et le machinisme et le carbone séquestré par la prairie, on a un ratio qui est de 1 émis pour 4,46 séquestré (source IDELE).
Plus globalement, le maintien d’une vache et de sa suite dans le paysage engendra le maintien d’un hectare de prairie et donc, un bilan environnemental très positif.
Parmi les espèces adaptées aux zones humides, les graminées les plus aptes à remplir ces différentes fonctions sont la fétuque élevée, la fétuque des près et la fléole. Elles sont à la fois productives, de bonnes valeurs alimentaires, aptes à l’usage. Mais, il faut également que la conduite soit adaptée : déprimage, maitrise de l’étêtage, exploitation soutenue des repousses. Pour chacune de ces espèces, il existe des variétés qui, par définition, sont différentes les unes des autres. Le site www.herbe-book.org, libre d’accès, informe sur les critères variétaux de chaque espèce. Un moteur de recherche permet d’ordonner ses priorités et ainsi d’avoir la meilleure variété face à une situation particulière.
Le maintien de l’élevage est donc non seulement une ressource alimentaire indispensable à l’humanité, mais aussi un acte de gestion essentiel pour les quatre aspects environnementaux de la prairie que sont l’eau, le carbone, l’azote et la biodiversité.
A l’inverse, l’abandon des prairies ou leur sous exploitation est très préjudiciable à l’environnement et à l’économie.
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