Brins d'herbe

Suivi de la pousse de l’herbe : bien distinguer biomasse et stade de l’herbe

La levée de dormance, le développement des feuilles, la formation des talles et la phase reproductive sont influencés par de nombreux facteurs (température, luminosité, fertilisation). Une gestion précise des prairies, basée sur la connaissance de ces cycles, permet d'optimiser la production fourragère et d'améliorer la qualité de l'herbe.

Bruno Osson

Bruno Osson

Semae

Expert fourragères

Herbomètre

L’exploitation optimum des prairies allie économie et environnement. Elle reste néanmoins compliquée car les paramètres du végétal, de l’animal et du climat de l’année sont nombreux. En ce début de saison, il parait opportun de rappeler quelques fondamentaux qui permettent par ailleurs de mieux comprendre ce que l’on observe.

 Les conditions de levée de la dormance

Les graminées passent l’hiver en dormance. Pour que la dormance soit levée, il faut une somme de température, base zéro degré, additionnée depuis le 1er janvier. Cette somme est estimée à 200°. Le site internet Date N’ Prairie  (https://datenprairie.arvalis-infos.fr/), géré par ARVALIS, à la disposition de tous permet de savoir où l’on  en est. Il suffit d’y indiquer son code postal. Cet outil permet notamment de savoir s’il est pertinent de faire un premier apport d’azote. Mais, avec le changement climatique, les 200° sont atteints très tôt et pour que la végétation soit active, il faut une deuxième condition : que le zéro de végétation soit atteint. Il s’agit d’une température au-dessus de laquelle la plante est active. Ce zéro varie entre 6 et 8° selon les graminées. Or, il est fréquent que, une fois les 200° acquis, les températures oscillent longtemps entre 2 et 6°, ce qui empêche l’herbe de pousser. L’azote épandu peut, alors, ne pas être valorisé. Si l’on compare la biologie des graminées prairiales par rapport à celle du blé, il est souvent pertinent de faire un apport sur blé car son zéro de végétation est 0° (parfois moins pour quelques variétés), alors qu’il est trop tôt pour faire un apport sur prairie.    

Au réveil des graminées, le cycle de végétation démarre. Cela signifie que de façon cyclique, la plante renouvelle ses feuilles. Une feuille nait alors qu’une autre entre en sénescence. La longueur du limbe dépendra des conditions climatiques, de la longueur du jour et de la fertilité du sol. Le cycle du ray-grass anglais est, par exemple, de 21 jours environ, ce qui correspond à une somme de température de 110°. Néanmoins, si les feuilles sont amputées par le pâturage, le cycle est rompu et la plante se réorganise. Elle refait de nouvelles feuilles sans attendre les 21 jours. Les feuilles nouvelles, dans des conditions qui s’améliorent sont alors plus saines, longues et vigoureuses.

Parallèlement, la plante va tenter d’augmenter le nombre de talles. Pour cela, il faut que la lumière parvienne sur la base des tiges afin de donner la densité. Car, un rendement d’herbe, c’est la multiplication de la densité par la hauteur. Par ailleurs, la durée de vie d’une talle est inférieure à l’espérance de vie de la plante elle-même. Il est donc essentiel de favoriser le tallage.

Nous venons donc de développer tout l’intérêt du déprimage. Faire passer les animaux partout avant la mi-avril, est également un moyen de réduire les adventices indésirables. Cet aspect est encore plus fort dans les parcelles destinées à la fauche.

  

De la phase végétative à la phase reproductive

Après cette phase végétative, la graminée va développer la phase reproductive. L’épi monte alors dans la gaine et en sort au moment de l’épiaison, puis c’est la floraison et enfin la grenaison. Tout au long de cette évolution la composition des différents tissus végétaux évolue. La proportion de glucides pariétaux augmente par rapport aux glucides cytoplasmiques. Ces derniers sont très digestibles et c’est aussi dans le cytoplasme que ce trouve les protéines. Quant aux glucides pariétaux, qui constituent la membrane de la cellule, ils sont au nombre de quatre : la pectine, la cellulose, l’hémicellulose et la lignine. La lignine est la dernière à apparaitre. Elle augmente avec le vieillissement du tissu végétal. Mais surtout elle est 100% indigestible et se retrouve à 100% dans les fèces. De plus, elle incruste les autres glucides pariétaux et fait chuter leur propre digestibilité. Un point de lignine en plus fait baisser la digestibilité globale de 3,8 points ! (Démontré depuis longtemps par l’INRAE). Mais faut-il être grand scientifique pour constater la réponse zootechnique à la qualité de l’herbe ?

Il faut aussi préciser qu’à la floraison, des glucides qui se trouvent dans le bas de la tige, qui servent à la réorganisation de la plante lors de la défoliation, migrent vers l’épi pour constituer les amandes des graines. Lors d’une fauche tardive, la plante ne dispose plus de cette réserve d’énergie et redémarre alors très lentement tandis que les conditions de production de biomasse sont optimums : eau, fertilité, température et longueur du jour. Le manque à gagner est considérable !


STADE DEBUT EPIAISON EPIAISON FLORAISON
Rendement à la coupe 3 TONNES 4TONNES 5TONNES
CUD 65% 48% 39%
UFL/ KG MS 0,8 0,6 0,48
UFL/HA à la coupe 2400 2400 2400
Rendement cumulé/an 10 TONNES 8 TONNES 6 TONNES

Même flore mais rythme d’exploitation différent. Quel impact sur le résultat technico-économique et environnemental !


La date de réalisation de la phase reproductive dépend de la précocité de la graminée d’une part, du photopériodisme local et un peu de la température d’autre part.

Dans la nature, certaines graminées sont très précoces, tel le vulpin des près, le brome mou, la flouve odorante. Ensuite, ce sont les pâturins communs, le dactyle, certaines fétuques élevées, puis encore les ray-grass anglais, la houlque laineuse, et en dernier le fromental, la crételle, le chiendent.

La date habituelle de fauche va déterminer quelle graminée possède la faculté ou pas de se reproduire.

Dans les espèces sélectionnées, la précocité des variétés est connue. Elle est annoncée pour une région de référence qui est le centre-ouest de la France. En fonction de la zone où l’on se trouve, il faut ajouter des jours si l’on remonte vers le Nord, vers l’Est, ou avancer la date si l’on descend vers le Sud. Mais l’important est d’avoir des références locales de pouvoir comparer des espèces ou des variétés entre elles. En ce qui concerne le ray-grass anglais ou la fétuque élevée, il y a une grande amplitude entre les variétés les plus précoces et les plus tardives.  

Mais l’on peut se demander pourquoi il y a des variétés très précoces alors que l’on pourrait penser que l’on a toujours intérêt à avoir des variétés tardives, qui ont en principe une longue souplesse d’exploitation.  Mais, les variétés tardives sont pénalisées au démarrage en végétation par des conditions froides au printemps. Il convient alors de disposer de variétés précoces pour avoir de l’herbe tôt et sur d’autres parcelles, des variétés plus tardives pour pouvoir attendre. Il est, en revanche, déconseillé de mélanger les deux, permettant à la vache de choisir, en délaissant les plantes dont la tige se développerait tôt. Dans des conditions plus favorables il y peu ou pas de différence.

En situation de pâturage, le passage fréquent permet d’étêter et de ne disposer que de feuilles. Ce rythme fréquent et ras favorise d’ailleurs la présence de trèfle blanc.

L’herbe de qualité est le meilleur levier de l’agroécologie économique. Il est indispensable d’adapter la conduite pour en tirer le meilleur parti et cela commence par la connaissance de la physiologie des plantes.     

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