Apports des traits fonctionnels végétaux pour l'évaluation écologique des trajectoires de gestion en milieux prairiaux
Plusieurs études récentes ont montré que la réponse des communautés à l'extensification pouvait être traduite en termes de changements de l'abondance de traits tels que la hauteur végétative, la surface spécifique des feuilles, ou leur teneur en matière sèche. Ces traits sont des indicateurs importants des stratégies qu'emploient les végétaux pour gérer leurs ressources minérales, et ils offrent des pistes prometteuses pour développer des indicateurs de gestion.
Nous avons utilisé une approche expérimentale dans deux sites de prairies subalpines de caractéristiques climatiques, historiques et agronomiques contrastées, au Col du Lautaret et aux Saisies (Massif du Beaufortain), pour examiner : 1) si l'extensification de leur utilisation entraîne une baisse de diversité, et 2) si ces changements sont associés à un glissement entre des compositions fonctionnelles, reflétant une acquisition et un recyclage rapide des ressources, et des compositions dominées par des stratégies de conservation des nutriments.
Pour ce faire, pour chaque site, nous avons couplé par une analyse « RLQ » des relevés de végétation, dans des parcelles échantillonnant les différents historiques ou niveaux d'intensité de gestion, avec des mesures d'indicateurs de fertilité des sols et des traits fonctionnels des espèces les plus abondantes.
Les mesures de conditions de fertilité indiquent pour les deux sites un gradient de fertilité marqué des parcelles gérées le plus intensivement aux parcelles abandonnées. L'extensification, et la baisse de fertilité correspondante, entraînent comme attendu une baisse de la diversité spécifique au Lautaret. Aux Saisies, et conformément aux observations pour un ensemble de sites de pelouses des Alpes du Nord, la diversité reste constante quel que soit le niveau de gestion.
En revanche, s'agissant des réponses fonctionnelles des prairies à l'extensification, les analyses ont révélé pour les deux sites des réponses concordantes. Avec la baisse de fertilité minérale on observe un glissement d'espèces acquiérant et recyclant rapidement les ressources, avec par exemple des feuiilles à faible teneur en matière sèche, surface spécifique élevée et forte teneur en azote, vers des espèces caractérisées par une gestion conservatrice des ressources, avec les traits opposés. En outre, pour les milieux les plus fertiles, les parcelles exploitées le plus intensivement sont constituées d'espèces de plus haute stature. Il est donc possible d'identifier de manière répétable des syndromes de traits fonctionnels végétaux qui pourront servir à diagnostiquer l'avancement des effets de l'extensification des prairies. Les traits identifiés ici sont aussi potentiellement des indicateurs de la valeur d'usage, de l'accumulation de litière, et probablement du maintien de la fertilité des prairies.
Journées Professionnelles 2004 La Biodiversité des Prairies. Un patrimoine - un rôle fonctionnel
Auteurs
- Lavorel S.
- Quétier F.
- Gaucherand S.
- Choler P.